4 Mars 2010
Une Loge peut-elle encore initier correctement, sans résister aux dérives commerciales mise en oeuvre par notre guide spirituel ?
Dans son commentaire sous le texte de Jean SOLIS : « Un mal profond né en 1717 », un correspondant s’interroge sur les énormes pertes d’effectifs dont témoignent les chiffres matriculaires de l’obédience. Il nous rappelle les sages préceptes qui ont fait le succès des Loges "stables", composées de frères "honnêtes » et préoccupées d’initiation véritable. Il constate ainsi que la Tradition initiatique dont certaines Loges sont encore porteuses, se situe désormais à l’opposé des orientations actuelles de notre obédience.
Quelles sont en effet les conceptions initiatiques de notre guide spirituel ?
Si l’on en juge par les interviews qu’il donne à la presse et à la télévision, ainsi qu’à ses écrits de « Brèves », force est de constater que pour ce qui le concerne, l’initiation aux « secrets de la maçonnerie » est avant tout un argument publicitaire, croustillant et légèrement sulfureux, qui se révèle particulièrement « vendeur », auprès d’une clientèle « grand public », prétendument « désireuse de plus de spiritualité »
D’où cette question essentielle. En quoi consiste désormais l’initiation maçonnique proposée par notre obédience ?
Pour envisager une réponse, il convient de se référer aux programmes mis en place au sein des Loges plus ou moins « commerciales » et « politiques », grandes recruteuses de « cartes de visite » et autres candidats « bling-bling » qui prospèrent autour de nous.
Ces Loges, de plus en plus nombreuses, et dont la création est fortement encouragée par l’obédience, ont pour particularité d’initier beaucoup. Ce n’est évidemment pas la qualité et la profondeur des initiations réalisées par elles qui font leur succès, puisque ces Loges ne disposent ni d’une pratique du rite traditionnel, (choisi le plus souvent par hasard afin de compléter l’offre locale des rites), ni d’un minimum de frères éclairés en capacité de transmettre une quelconque influence initiatique. Elles initient à minima, par la seule invocation « miraculeuse » de la patente que leur a octroyé l’obédience. De fait et plus précisément, elles « labellisent » l’initiation par apposition de l’estampille « GLNF »
Ce formalisme patenté, destiné à une clientèle peu exigeante, convient parfaitement à l’obédience, laquelle a précisément orienté sa communication dans cette direction. Et vu la réussite commerciale du procédé, les perspectives les plus flatteuses s’offrent à elle. Pourquoi ne pas organiser des cérémonies d’initiations collectives, avec pour décors des stades spécialement aménagés façon révérend Moon au cours desquelles, le guide spirituel délivrera à ses ouailles, en direct et à la télévision, l’influence spirituelle dont il est le porteur.
Qui empêchera l’obédience de devenir, le GIFI de la spiritualité, le KIABI de l’initiation ou la FOIRFOUILLE de la maçonnerie ? Il suffira que le guide spirituel le décide, et alors, cela deviendra possible. Et nous les petits soldats nous laisserons faire, car les caporaux seront là, pour nous inviter à ne pas troubler « l’ordre et l’harmonie » de la Loge. (Franchement, ce ne serait pas fraternel !)
Pour les candidats à l’initiation de type « carte de visite » ou « bling-bling », le « placebo » initiatique conféré par les Loges modernes est suffisant. Rapidement et sans effort, les voilà dotés des quelques bribes de vocabulaire initiatique et des quelques signes de reconnaissance utiles dans la plupart des milieux d’affaire et dans les milieux politiques. Et en plus ces « secrets » ne sont pas négligeables lorsqu’il s’agit d’animer les soirées entre amis. Et enfin, dans ce contexte, tout permet de penser qu’en échange de quelques services rendus en gage de « fidélité inconditionnelle aux serments », l’intéressé progressera très vite dans la hiérarchie obédientielle. Ainsi se constituera une nouvelle race de chefs, incultes mais dociles, aptes à perpétuer l’ignorance originelle de la Loge qui les a « initiés » Car, pour ce qui est du message initiatique, point n’est besoin d’en savoir trop pour devenir caporal. (L’initiation est « Une sorte d’impression confuse, relevant du sentiment personnel de chacun », a lumineusement déclaré en substance, notre guide spirituel dans une récente interview) Proclamer à tout propos et hors de propos, que l’ « Amour Fraternel » est notre seul guide, et manifester chaque jour, par un silence approbateur, sa soumission inconditionnelle aux ordres et aux errements du chef, tel est en définitive, le seul bagage vraiment nécessaire.
Conclusions de notre analyse:
Interrogeons-nous sur la place que laisse le système de recrutement dit « moderne » aux Loges initiatiques de Tradition, qui estiment avec raison que la maçonnerie relève d’une démarche sérieuse, étrangère à toutes considérations mercantiles et profanes. Pour ces Loges « passéistes », seule la dimension sacrée de l’humain est digne d’intérêt ; et c’est la raison pour laquelle, elles considèrent que le ticket d’accès à cette dimension sacrée ne saurait être efficacement distribué comme des savonnettes, seraient-elles parfumées. Pour ces Loges, l’influence initiatique suppose des conditions de transmission particulières que notre obédience néglige, voire écarte délibérément (Du moins ses actions convergent-elle en ce sens). Dès lors, que restera-t-il de l’attractivité initiatique de l’obédience, lorsque les transmissions anciennes, considérées comme désuètes et inadaptées, seront à jamais perdues ?
Notre guide croit éblouir le monde profane par ses poses nombrilistes prétendument destinées à appeler tout un chacun à participer aux mystères initiatiques. En réalité, en réduisant la maçonnerie à un produit de consommation accessible à tous, et en voulant se mettre en phase directe avec les péripéties politiques ou religieuses de notre monde, notre obédience perd le peu de régularité et de crédibilité initiatique qui lui restait. Comment espérer dans ces conditions que nos Loges traditionnelles, confondues avec les options et la communication globale de l’obédience, attirent de véritables chercheurs de Lumière. Seuls les « bling-bling » continueront à venir dans les Loges commerciales ou politiques, du moins dans un premier temps. Puis, ils partiront eux-aussi. Pourquoi resteraient-ils en effet, dans une obédience, dans laquelle ne subsistera plus la moindre caution de sérieux et de prestige susceptible de les flatter. La loi dite de « Gresham » aura joué à fond. Car « la mauvaise monnaie aura chassé la bonne »
RAMINAGROBIS