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Le blog de G. VEZON, le.myosotis.de.septimanie.over-blog.com

Si elle est véritable, une Tradition initiatique parle tout autant aux hommes du XXIème siècle qu'aux hommes des autres temps. Née de la transcendance qui, en amont de l'espace et du temps, manifeste aux hommes la vérité de la Vie du Monde, une Tradition initiatique est forcément compréhensible par les hommes de tous les temps selon le langage propre à la temporalité culturelle de chacun d'eux. Ainsi, la Franc-maçonnerie, pour autant que ses pratiques sociétales n'obèrent pas entièrement l'essence initiatique qui est sa véritable raison d'être, peut-elle offrir un Chemin de Vie. Encore faut-il qu'un crédit de vérité lui soit accordé, y compris par ses propres membres, ce qui suppose qu'elle inscrive sa symbolique initiatique dans une cohérence de sens compatible avec l'intelligence du temps en lequel elle opère. Gilbert VEZON de Bérenguery, alias Raminagrobis de Septimanie, propose que nous réfléchissions ensemble autour de cette exigence.

LA SPIRITUALITÉ, PRINCIPE DE LA LIBERTÉ ET DE LA CRÉATIVITÉ DE LA VIE

L’impasse de la Franc-maçonnerie non spirituelle

Depuis l’origine, la Franc-maçonnique initiatique s’est toujours envisagée comme « un chemin » de réalisation spirituelle. Elle ne recherche ni le prestige, ni la puissance mondaine.

Ce sont là ses dérives.

Sa raison d’être, c’est le dévoilement de la dimension spirituelle de l’homme.

Si la Spiritualité est présente, vivante et honorée par l’institution maçonnique qui la porte, alors les initiés sont satisfaits et l’institution s’épanouit ;

Mais si cette institution méconnait, ou oublie la vocation spirituelle de la Franc-maçonnerie, elle perd aussitôt la puissance que lui confère sa référence à l’Esprit. Elle déchoie alors en Franc-maçonnerie « substituée » dont la survie ne tient plus que par les béquilles et les raidissements, que lui procurent son juridisme institutionnel et sa position acquise dans les ornières du conformisme mondain.

*Dans le mythe égyptien (Les mystères d’Isis), Isis rassemble les morceaux du corps d’Osiris tué puis démembré par son frère Seth, l’arbitraire destructeur. Un élément manque toutefois à cette reconstitution : un seul, le principal, la source de vie, le phallus « vital » Et dès lors, en raison de ce manque essentiel, Osiris, bien que reconstitué en son apparence formelle, demeure sous terre à l’état stérile « d’ombre spectrale » et de Juge des morts.
Pendant ce temps sur terre, Isis la veuve persévérante, continue à rechercher le principe de la Vie et finit par retrouver le « phallus vital et créatif  »
De la fécondation par le « phallus vital » ou « mystère de l’Esprit de Vie », naîtra Horus, le Fils qui, après d’autres combats contre les forces hostiles de Seth (la puissance destructrice de l'arbitraire), obtiendra que la Justice divine rétablisse la « légitimité » de la Vie spirituelle sur terre, accomplissant ainsi l’espérance des épousailles de l’Esprit divin d’Osiris et de la Veuve-Terre-Mère Isis.

Privés du rayonnement de l’Esprit, les attributs de la Gloire de Dieu : jouissance, possession et puissance ; (attributs qui ne sont vertueux que s’ils se rapportent à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers »), séparés du monde d’En-Haut (celui du "mi", celui de la spiritualité) mutent dans le monde d’En-bas (celui du "ma", de la matérialité de l’humanité ordinaire végétative et animale infrahumaine eu égard à la dignité spirituelle ontologique de l’homme), en emblèmes des pouvoirs arbitraires, perversement livrés aux mains d’une humanité, perdue dans l’horizontalité labyrinthique d’un monde somnambule*

* Dans la Genèse, l’humanité animale est celle du Sixième jour de la Création.
Privée des Lumières de l’Esprit, cette humanité fonctionne avec une vitalité de second ordre : celle, mécanique et mimétique de la Loi ; celle du Dieu Osiris reconstitué sans l’Esprit créatif de la Vie ; celle résiduelle et hallucinée, en recherche d’âme, comme la créature du Dr Frankenstein qui aspire désespérément à la vitalité et à la beauté de la vraie Vie que son état semi-végétatif  (« mimétique » comme dirait René Girard) d’homme « pas fini » du sixième jour, lui permet seulement d’entrevoir, sans possibilité d’y parvenir (L’humanité qui aspire à la fameuse « eau qui apaise la soif » que propose Jésus, au bord du puits, à la Samaritaine)
Policés et infantilisés par les craintes qu’inspire le joug coercitif des puissants d’un monde où règnent les lois de la vanité et de l’arbitraire, les hommes n’ont d’autres perspectives que la recherche désespérée des fausses sécurisations en usurpant les attributs éphémères de la gloire parmi les hommes (césarisme) ; recherche à laquelle ils s’emploient avec toute la férocité dont l’humanité animale (inachevée) est capable ; la fausse virilité animale étant l’instrument par lequel les hommes essaient de juguler les dangers d’un monde hostile, dominé par l’angoisse de la survie et la peur de la mort  (Le fameux combat pour la (sur)vie : « The fight for life »)
Aussi, comme le relate le récit de la Genèse : pour que le Monde s’accomplisse le septième jour « en Esprit et en Vérité », Dieu « choisit » de se retirer* en laissant aux hommes la Puissance de « Son » Esprit, afin que par cette « Puissance », ils continuent, dans la « ressemblance divine », l’Œuvre de « la Création » (De même, pour qu’un rituel s’accomplisse, il faut que son support matériel s’efface devant la Lumière de l’Esprit, dont le rituel n’est que le médiateur/révélateur.)
* Dans les Évangiles synoptiques, Jésus retiré au désert ( de Seth), est tenté par le Satan au titre des trois perversions de puissance divine, déchues en ce désert (le monde des hommes non spirituels), en pouvoirs de dominations terrestres, censés leur apporter la jouissance, la possession, et la puissance.
Les trois tentations sont rejetées : « ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra » ; « tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c’est à lui seul que tu rendras un culte » ; « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu » Luc (4, 1 à 13)
L'enseignement signifie clairement ici, que la seule Vie « vivante » n'est pas celle des valeurs mondaines mais uniquement celle des valeurs de l’Esprit.

Ainsi, comme l’illustrent les mythes et les Saintes écritures ci-dessus, la Franc-maçonnerie régulière propose aux hommes, par la dimension spirituelle de son initiation, d’accomplir en Esprit la Loi de Dieu et non plus désormais, de se conformer et d'obéir.
Dieu s’est retiré le Septième jour pour contraindre les hommes à sortir de leur vie végétative et mimétique de « morts de l’âme » (selon l’expression de l’apôtre Paul) afin d’obtenir d’eux qu’ils poursuivent, en Esprit et en Vérité, l’œuvre de la Création ; autrement dit, qu’ils œuvrent librement, dans la Vérité de l’Esprit (et non pas dans le mimétisme du monde), à la seule gloire du Grand Architecte de l’Univers (et non pas dans l’adoration des glorioles terrestres substituées)
Tel est pour la Franc-maçonnerie le sens de la spiritualité initiatique. Tel est dès lors, le sens de l’Ordre maçonnique, et telle doit être enfin, l’inspiration principielle des Constitutions que se donne une institution maçonnique.
Car l’alternative institutionnelle est simple :
En choisissant la Franc-maçonnerie de la marche initiatique vers la spiritualité, l’Institution choisit « l’eau de la Vie. L’eau qui apaise la soif » ;
En choisissant la pratique de la Franc-maçonnerie mimétique, l’institution adopte la fausse vitalité maçonnique d’une créature à la Dr Frankenstein.  

La compréhension de la spiritualité
Il est en chacun de nous, un lieu d’Intelligence et de Sagesse, un lieu Sacré dont le Maharaj nous a dit (dans notre texte précédent), que c’est « en Lui » que repose « notre véritable nature » alors que notre cupidité (égotique), notre obscurantisme (égotique), et notre suffisance (égotique) continuent à la chercher à l’extérieur de « notre propre demeure », dans l’accumulation des savoirs, des sciences et des croyances, qui sont des « lieux » où d’évidence, la sacralité principielle de notre humanité ne se trouve pas.
L’erreur, sans cesse commise en effet, consiste à croire que l’accumulation des savoirs, des sciences et des croyances relève de notre intériorité, alors qu’elle ne relève que de « la conscience », qui est le mécanisme mental de re-construction intérieure, de l’extériorité objective du monde.
Pourquoi chercher en effet « dans la conscience », c’est-à-dire dans cette « extériorité intérieure », créée en nous-même, l’Esprit que nous devrions « honorer en le laissant vivre spontanément», puisqu’il est « la part » la plus instantanément intelligente de chacun de nous, et aussi la part la plus vraie, car la plus vivante, de l’humanité et du monde ? (Cf. la deuxième citation du Maharaj citée dans le texte précédent)
Ce lieu, présent en chacun de nous, dont toute chose procède en ce monde -que nous ne voyons pas et que nous cherchons dans l’extériorité de la connaissance objective du monde- se situe en fait dans la profondeur la plus cachée de notre être, en amont de la conscience, là où, comme l’écrit Michel Henry : « ce n’est plus moi qui agit, (car) c’est (l’intelligence de) la Vie qui vit en moi »
(Maitre Eckart disait de ce lieu qu’il se situe à « la pointe fine de l’âme »)
Le philosophe Michel Henry, comme au demeurant toutes les Traditions spirituelles (dont la Tradition chrétienne), constate en effet que la révélation préalable de la vie « à elle-même », sans laquelle nous n’aurions aucune aperception -et du monde et de notre présence au monde- est une « donation  première, qui vient d’En Haut », mais qui surgit dans le tréfonds, pour « manifester » en permanence notre « présence » dans le Monde ;
C’est la Source  de Vie jaillissante dans le « tréfonds » de notre être ;
Car, si le Verbe de la Vie n’est pas la Lumière, le fait que ce Verbe se manifeste en nous dans l’Intelligence première de la Vie, témoigne d’une donation primordiale que certaines religions appellent la « Grâce de Dieu » alors que d’autres l’appellent « l’Intelligence divine ou l’Intelligence première » et que la franc-maçonnerie appelle « la Lumière des hommes »*

*Pour que « le Verbe » puisse être reçu, il faut nécessairement que celui qui le reçoit soit en capacité d’Intelliger (au sens donné par Aristote) le Monde ; que s’établisse en lui, une Présence au Monde, une Participation au Monde, réceptrice du Verbe.
Il faut donc que l’homme « soit d'abord vivant » en tant qu’Esprit manifesté à lui-même, dans le monde.
« Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. » (Jean 3,8)

Michel Henry rejoint ainsi dans ses analyses la vision de Dieu que propose la Tradition johannique du Prologue de l’Evangile de Jean :

« Au commencement était le Verbe. Le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu. Tout fut fait par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. En lui était la vie et la vie était la Lumière des hommes »

Dans la vision Johannique en effet, « la Spiritualité » est la « Présence vivante », la « manifestation intérieure » d’une « appartenance à la création vivante et permanente », au souffle vital, au Soi créateur du Soi des créatures, à la Sagesse et à l’Intelligence par lesquels l’existence se donne d’abord à « elle-même » préalablement à et comme condition à, toute aperception du monde manifesté.

Dans la vision Johannique, la spiritualité est une appréhension du « Soi », invisible par la conscience (celle-ci n’intervenant qu’après), mais « pathétiquement ressentie » (charnellement vécue) comme le Vivant de la Vie présente à elle-même. (Une auto-donation de la Vie, une Surconscience non réflexive, un Monde « imaginal »)*

*Il ne s’agit en réalité que de « comprendre l’évidence » qui atteste que l’Esprit vivant est le « non-dit de l’existence », toujours présent avant toute chose. Et que ce « non-dit », présent avant toute chose, est la véritable réalité de notre Être car c’est par lui que vient au monde l’être de notre existence et avec lui, notre participation « présente » à l’être du Monde.
Pour mieux saisir cette évidence, partons de l’interrogation suivante :
Quelqu’un s’est-il jamais demandé si, « avant de vivre », il devait au préalable « démontrer » son état de « Vivant » ?

Qui, au demeurant –sinon un déjà vivant- pourrait prendre l’initiative d’une telle démarche ?

Ne faut-il pas d’abord vivre pour pouvoir se demander si l’on vit et quoi que ce soit d’autre ?

C’est donc bien la « Présence » de l’Esprit vivant qui atteste de « l’existence », comme d’un « présent d’évidence » ; l’Esprit de Vie disposant, par lui-même, de la certitude de lui-même.
Aussi, chacun de nous, soit qu’il organise banalement sa vie, soit qu’il échafaude des théories savantes, raisonne avec l’apriori sous-entendu d’être un Vivant présent dans la Vie vivante du Monde.
Descartes lui-même était « vivant » lorsqu’il énonça son célèbre « cogito » qui pose comme certitude la croyance selon laquelle « le fait de penser » serait le fondement premier et certain de l’Être*.

*Il s'agit du fameux « je pense donc je suis » dont nous savons qu’il est à l’origine de cette sur-priorité « déraisonnable » que l’Occident a donné à la raison « raisonnante ».
Le « cogito » cartésien repère en effet la pensée comme fondement premier de « l’être », mais en fait, il ne repère que l’être de la conscience humaine et non pas l’être de la vie elle-même, car ce cogito ne dit rien de l’existence préalablement nécessaire à l’apparition des  pensées de la conscience.
D’où l’inversion que Descartes opère dans sa perception de l’homme ; que l'initiation doit impérativement redresser, afin que surgisse clairement la prépondérance initiale de l’Esprit :
Dans la vie réelle en effet, ce n’est pas parce que « l’On pense », que « l’On Est » C’est parce qu’il y a d’abord l’Intelligence première de l’Esprit, qu’apparaît subséquemment un instrument appelé  « conscience » par lequel il est permis à homme de penser.
Ainsi ce n’est pas la pensée qui fait l’être « je », c’est l’être « Je » de l’Esprit qui fait la pensée et avec elle un autre « je » qui n’est pour sa part, que le simple sujet grammatical du fonctionnement langagier de la pensée.

Aussi est-il clair que la pensée n’est jamais « première » ; qu’elle est « inspirée », subordonnée à l’Esprit, dont personne ne sait au demeurant « ni d’où il vient, ni où il va »*, car l’Esprit est toujours « neuf », toujours « renouvelé », toujours « premier », toujours « vrai », toujours « libre » de lui-même.
L’Esprit est le fluide permanent de l’Intelligence mystérieuse de la Création de la Vie.

D’où cette ouverture fondamentale à laquelle nous conduit la spiritualité maçonnique :
L’initiation maçonnique véritable, permet à chacun de constater que la « Vie réelle » précède « la vie perçue par la conscience », cette dernière n’étant pas la Vie réelle mais une « image » de la vie réelle que les mécanismes de la conscience reconstituent à partir des indications vitales que nous révèlent nos sens.*

*L’initiation maçonnique véritable est ce paradoxe qui « nous fait ainsi prendre conscience » que l’Esprit seul est réel, alors que la conscience n’est que le miroir plus ou moins déformant, où s’expriment les mécanismes (objectivants) qui pétrifient la vie des sensations, des perceptions, afin de pouvoir les conceptualiser et les utiliser de façon -saine ou malsaine- sous forme de pensées imaginatives, manipulables à des fins de représentation anthropomorphique de la réalité.

Le Verbe de dieu
Le surgissement de la Vie de l’Esprit que nous venons de décrire est appelé dans la Bible le « Verbe de Dieu », car dans notre Spiritualité occidentale, c’est avec le nom « Dieu »* que l’on désigne le Maître absolu, le Créateur ou le « Mystère de l’Esprit » présent en tout homme comme l’expression/manifestation  (le Verbe) de la Première Sagesse et de la Première Intelligence de la Vie.
Et c’est parce que ce Verbe surgit de l’inconnaissable (qui n’est pas le néant), que l’on dit aussi, que le Verbe exprime « le Mystère » divin*  

 * A ceux qui – en se réclamant du Dieu révélé- demandent au nom de « leur religion », pourquoi la Franc-maçonnerie s’autorise à parler de Dieu, il convient de répondre que si les hommes d’Églises savent interpréter le sens spirituel des Saintes Écritures, cette interprétation ne peut leur appartenir en exclusivité, puisque non seulement ils ne sont pas tous d’accord entre eux -ce qui relativise sérieusement l’absolutisme de vérité auquel chaque religion prétend- mais surtout, parce que l’Esprit ayant été donné à tout homme (comme le rappellent en permanence les Paroles du Christ), il est facile de constater que, dans les profondeurs ésotériques des religions établies, c’est du même Verbe-Esprit dont il est question ; Verbe que notre Tradition appelle « Dieu » mais que d’autres expriment différemment, car si le nom est différent, « Il » est le même pourtant »
Quant à ceux qui demandent pourquoi désigner par le vocable « Dieu », un concept -que pour leur part ils seraient prêts à accepter à la condition toutefois qu’un autre vocable soit utilisé, (ils considèrent que « Dieu » est un nom à priori connoté d’accaparements confessionnels abusifs)- il est facile de répondre que le rejet d’un nom ne supprime en rien « la réalité » que le mot entend -toujours maladroitement- exprimer dans une forme empruntée à une « tradition » donnée.

 De fait, lorsque de nos jours la Franc-maçonnerie régulière utilise le nom « Dieu » ou celui de « Grand Architecte de l’Univers » conformément à la Tradition spirituelle de la chrétienté dont elle est historiquement issue, il semble évident qu’elle l’associe uniquement à la « Révélation de l’Esprit en l’homme », car pour ce qui est de la connaissance de Dieu lui-même, l’exhortation, que Maître Eckart, le grand mystique rhénan énonçait déjà au début du XIVème siècle, demeure plus que jamais, la seule vérité possible :
« Pourquoi discourez-vous au sujet de Dieu. Ne savez-vous pas que tout ce que vous dites de lui est faux ? »*

* On notera avec intérêts que toutes les spiritualités religieuses considèrent que le divin est le Mystère, l’Inconnaissable absolu. Aussi son Nom est-il :
- soit prononcé avec « crainte et révérence » accompagné du nom « substitué » de Sa manifestation : « Le Saint, béni Soit-Il », « Le Miséricordieux » ;
- soit carrément interdit de « prononciation et de représentation » (Judaïsme) ;
- soit exprimé comme absolument inexprimable « Le Tao que l’on peut  nommer n’est pas le Tao » ;
- soit désigné comme « La réalité suprême » : le Brahman. (Ceux qui ratiocinent sur « la volonté révélée » du Principe, considérant que cette « révélation » est liée uniquement aux conceptions théistes, devraient interroger l’expression « réalité suprême » Ils comprendraient alors qu’à l’inverse de l’« abstraction » suprême, la « Réalité" suprême loin d'être coupée de l'homme, représente la réalité de l’homme et la réalité de l’univers auquel il participe.  

Dépasser les polémiques religieuses
La Franc-maçonnerie régulière proscrit les polémiques religieuses au même titre que les discussions politiques. Mais bien évidemment cette interdiction concerne uniquement les « polémiques religieuses confessionnelles » puisque la Franc-maçonnerie régulière exige conformément aux racines chrétiennes traditionnelles qui « expriment sa spiritualité », la « croyance au GADLU et à sa volonté révélée »

C’est là une condition préalable et absolue de l’initiation maçonnique effective, à laquelle une obédience, qui se veut « régulière », ne saurait déroger -comme le rappelle constamment la GLUA.

Cette exigence est une condition de fond et pas seulement une question de pure convention, dont chacun pourrait se dispenser avec plus ou moins de convictions par l’effet d’une « déclaration convenue »

*À fortiori par une déclaration sur papier libre signée à l’entrée d’une Tenue, comme l’ont imaginé certains.

Car il s’agit très précisément d’interroger le postulant à l’Initiation ou à la participation rituélique, non pas sur ses croyances culturelles ou sur ses pratiques religieuses, qui par elles-mêmes n’offrent aucun intérêt en Franc-maçonnerie, mais de rechercher avec lui, s’il est en capacité d’admettre qu’il y a, « en » l’homme, une dimension spirituelle et s’il est d’accord pour que l’initiation ou le rite l’ouvre à cette dimension.

De nos jours, la faible prégnance des croyances religieuses dans le fonctionnement de nos sociétés, a relégué les polémiques religieuses à l’arrière-plan. Aussi, ces dernières sont-elles devenues relativement dépassionnées (Œcuménisme, voire éclectisme, oblige, encore que…)

Mais il n’en a pas été toujours ainsi.

N’oublions pas que la Franc-maçonnerie s’est développée en des temps où les guerres de religions ensanglantaient l’Angleterre, le Royaume uni, et aussi toute l’Europe du Nord (dont singulièrement la France), entre le XVIème et le XVIIIème siècle, c’est-à-dire  pendant presque trois siècles.

Bien évidemment ces guerres se sont accompagnées de polémiques doctrinales, de fièvres propagandistes et d’anathèmes entre factions rivales*, chacune cherchant à accaparer « le nom de Dieu » pour le rattacher exclusivement à sa cause.

*Ces factions se répartissaient généralement selon les positions politiques adoptées par les princes et gouvernants des pays et des régions en conflit.

Ces accaparements partisans « du nom de Dieu » ont profondément affecté  la Franc-maçonnerie dont l’intention profonde depuis l’origine, a toujours été de promouvoir l’avènement de l’Esprit parmi les hommes afin que « s’accomplisse la Gloire de Dieu » et non pas de faire en sorte que Dieu, proclame la gloire et la domination de certains hommes sur d’autres hommes.

Aussi, sous l’influence, notamment « des Lumières » et des « élites éclairées » de l’époque, la Franc-maçonnerie anglaise a voulu avant tout dépasser les querelles religieuses, sans pour autant renier les fondements chrétiens qui expriment sa spiritualité.

Elle a donc, très naturellement circonscrit « avec tolérance »  l’exigence de Spiritualité  autour de la « Croyance au Grand Architecte de l’Univers », expression qui n’exclue en rien la croyance en Dieu, mais qui évite d’utiliser le terme afin de ne pas rattacher la spiritualité maçonnique à un dogmatisme confessionnel particulier.

On trouve cette formulation dans les premières Constitutions de Grandes Loges (Anderson de 1723, puis 1738) puis ensuite, dans « les Constitutions » établies par l’Acte d’Union de 1813, des « Antients » et des « Moderns » qui stipulent précisément : « Quelle que soit la religion de l'homme ou sa manière d'adorer, il n'est pas exclu de l'Ordre, pourvu qu'il croie au glorieux Architecte du ciel et de la terre et qu'il pratique les devoirs sacrés de la morale »

De nos jours la règle de reconnaissance n°2 du protocole en huit points du 4 septembre 1929 relative aux critères de régularité des obédiences, édicté par la GLUA, précise sobrement, mais avec fermeté, que « les Grandes Loges doivent exiger de leurs membres qu’ils affirment « leur croyance dans le GADLU et sa volonté révélée »*

*Pour ceux qui polémiquent sur cette exigence de la GLUA et qui lui substituent celle de la formulation de 1949, on notera :
- Que la formule utilisée encore récemment par la GLUA dans sa « Communication trimestrielle de la Grande Loge  11 Septembre 2013 : Rapport du Conseil des affaires générales. http://www.freemasonrytoday.com/ugle-sgc/ugle/item/1062-report-of-the-board-of-general-purposes-11-september-2013- est : « Ils doivent être prêts à reconnaître que la croyance personnelle dans TGAOTU (GADLU) est un jalon (Landmark) essentiel dans la franc-maçonnerie, et doivent être en mesure de produire des preuves de leur bonne réputation dans leurs loges. »
- Que substituer la formulation d’une « croyance au Principe » à la « volonté révélée du GADLU » ne change strictement rien, puisque les termes « Être Suprême » (« a belief in the Supreme Being » utilisés dans « Aims and relationship of the craft » de 1949) portent en eux-mêmes, la conséquence induite d’une « Révélation »*
*La croyance en un « Être Suprême » n’a en effet de sens que si celui-ci est perçu comme la « source » d’où jaillit une manifestation induite « personnellement » perceptible ; que si celui-ci est perçu comme le Principe natif d’un « Verbe  révélé » tel que le proclame notamment, mais pas uniquement, le Prologue de l’Évangile de Jean.

Toutefois, et bien que se voulant unificatrices, les formulations successives des « Constitutions » sont restées dépendantes des préférences religieuses de leurs auteurs ; aussi ont-elles, continué à susciter des polémiques qui ont perduré et continueront à perdurer, aussi longtemps que la Franc-maçonnerie persistera à aborder la croyance en Dieu en considération des « requis » dogmatiques des religions instituées.*

*De ce fait, elles resteront dépendantes des combats théologiques ou philosophiques auxquels se sont livrés les courants protestants (luthériens, calvinistes, puritains et leurs variantes), l’anglicanisme, la catholicité, mais aussi les penseurs souvent antireligieux (ce qui ne veut pas dire « athées ») « des Lumières *», qui avaient eux-aussi leurs visions spécifiques du « Dieu chrétien ».

*le courant dit « des Lumières » se considérait comme une élite travaillant pour le « progrès » du monde dans un combat contre l’irrationnel, l’arbitraire, l’obscurantisme et la superstition, notamment religieuse, des siècles passés.

Plus tard, à la fin du XVIIIème siècle, le philosophe Emmanuel Kant avec le souci de classification systématique qui le caractérise, a entrepris de regrouper les divers courants polémiques dans une distinction alternative entre « théisme » et « déisme »*

*En réalité, les vocables « théisme et déisme » sont peu significatifs, car ils sont toujours assortis de dérogations et de sous-entendus qui en modifient, voire qui en inversent le sens, à tel point que leur usage crée plus de confusions qu’il ne détermine un type de relation à Dieu.

En gros le Théisme implique un lien personnel et vivant avec la divinité, ce qui suppose une forme de foi et de prière, qui le rend assez proche de la spiritualité maçonnique, alors que le Déisme est censé correspondre à une conception purement objective et intellectuelle de Dieu, dépourvue (dit-on), de dimension existentielle (Le Dieu, principe rationnel, le Dieu des philosophes, « Le Grand horloger »)

Mais il faut noter que contrairement à ce que croient beaucoup de maçons, le "théisme" rejette le principe d’une révélation, surnaturelle et exclusive, de Dieu. Ce, en quoi, il se distingue des religions dites « du Livre » pour lesquelles la Bible « est le livre de la révélation divine » Pour le théisme, Dieu ne se manifeste pas par le Livre, mais se manifeste dans l'âme et dans la nature. Mais ici encore, il faut voir que, pour la Franc-maçonnerie régulière, la Bible est un élément initiatique capital, puisque qu’elle est le « Volume de la loi sacrée » ; autrement dit, l’une des Trois Grandes Lumières par lesquelles la Volonté révélée du Grand Architecte de l’Univers se fait connaître à l’Initié.  

Reste donc à savoir si cette révélation initiatique de la Bible est naturelle ou surnaturelle ?

Mais dès lors que la Bible fournit l’essentiel des références symboliques de la Franc-maçonnerie, tout dépend en fait du statut que l’on accepte de donner au langage symbolique. Les symboles et les Arts ne sont-ils pas, en effet, le langage (imaginal) par excellence  de la révélation divine ?

La Franc-maçonnerie n’est donc pas « théiste » au sens strict du terme, puisqu’en faisant de la Bible « le Livre initiatique » par excellence elle admet que c’est, par celle-ci, que se révèle « la parole divine »

Mais elle n’est pas « déiste » non plus puisque au sens strict du « déisme », Dieu n’a paraît-il aucune relation avec les hommes, ce qui fait de ce dieu un « non-sens » absolu. Qu’est-ce en effet un dieu qui n'est « rien » ?

 En fait, chacun voit bien que les querelles de mots concernant Dieu, inconnaissable en lui-même mais connu pas sa Parole révélée dans l’Existence, sont vaines en Franc-maçonnerie.
La GLUA n'a jamais subordonné la reconnaissance de régularité à une exigence de croyance religieuse. Elle rappelle uniquement, par ses définitions de la croyance au GADLU, que les querelles théologiques ou philosophiques qui agitent le monde autour de la « nature » ou de la « surnature » du principe divin ne concernent pas la Franc-maçonnerie.
Mais cela ne signifie pas pour autant, comme l'a cru la Franc-maçonnerie dite a-dogmatique, qu'il faut « jeter le bébé - de la spiritualité- avec l’eau du bain », car la Franc-maçonnerie régulière ne saurait, sauf à perdre sa raison d'être, renoncer à sa vocation, qui demeure l’accession à la dimension spirituelle qui constitue l'humanité et qui lui donne une dignité et une responsabilité si particulière.
D’ailleurs, de nos jours la plupart des querelles nées des approches confessionnelles ou philosophiques de la spiritualité, ne sont plus d’actualité, puisque, comme l’écrit Bernard Cottret, dans l’introduction de son ouvrage « Le christ des Lumières – Jésus de Newton à Voltaire », aux éditions CERF, collection Biblis Histoire) « quitte à être croyant on ne l’est plus à la façon de Newton, ou quitte à être incroyant, on peut désormais se passer, comme le faisait déjà Laplace, de l’hypothèse du dieu, « grand horloger »
De nos jours, la Franc-maçonnerie régulière exige « seulement », (pourrait-on dire, car ce n’est pas rien), que ses membres  soient en volonté et en capacité « d’une croyance personnelle dans TGAOTU », et donc d’accéder à « la volonté révélée du GADLU », sachant, comme indiqué plus avant, que cette exigence est une exigence intime et non pas une exigence confessionnelle ou culturelle d’extériorité.
Faute d’une croyance intime (personnelle) dans le GADLU, il est impossible en effet d’envisager que l’Initiation puisse produire une quelconque mutation spirituelle chez celui qui demeure dans l’incapacité de percevoir, en lui-même, la Présence de l’Esprit.  

RAMINAGROBIS

(A suivre, Prochain article : La spiritualité concrète)

 

 

 

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L
TC Raminagrobis,<br /> j'ai peut-être le tort d''être trop réactif aux commentaires qui préfèrent l'accessoire au principal.<br /> - Pourquoi toujours contester l'ambition d'un frère (et de ceux qui le "comprennent") qu'une FM dont la quête s'appuie sur la Tradition du Livre (et de ses exigences) n'est en rien nuisible à ceux<br /> qui pensent autrement?<br /> La GLNF ne cherche pas à faire plaisir aux Anglais avec ses statuts actuels mais plus simplement à réunir les FM de France qui souhaitent rester dans la Tradition qu'elle a toujours<br /> représentée.<br /> Et tant mieux si ça peut être conforme à une large reconnaissance.<br /> Donc une caricature de ma part: (s'adressant à ceux qui ruminent en permanence):<br /> - "si le redressement de la GLNF te séduit, vient travailler avec nous, sinon continue ta propre oeuvre et rendez-vous pour la suite".<br /> Très fraternellement.
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R
<br /> <br /> Mon TC Voyageur,<br /> Tu as tout à fait raison de rappeler que la réforme intervenue est d'adord un retour aux sources de la GLNF, de telle sorte qu'il est très étonnant de constater que ceux qui formulent<br /> aujourd'hui, des critiques acerbes à l'encontre des statuts actuels de la GLNF, lesquels ne font que renouveler l'exigence originelle à la GLNF de la "croyance au GADLU et à sa volonté<br /> révélée", étaient très satisfaits, dans le passé lorsqu'ils étaient membres, d'appartenir à la Franc-maçonnerie régulière.<br /> <br /> <br /> <br />
J
autrement dit, tu fais dire au texte GLUA ce qu'il ne dit pas mais qui te plait ...
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R
<br /> <br /> Parce que, pour toi, la GLUA et au-dela, la Franc-maçonnerie n'a pas vocation à dépasser "le piège mortel" des accaparements confessionnels de la spiritualité ?<br /> Chacun est libre de vivre son appartenance confessionnelle comme il l'entend nous dit la GLUA.<br /> Mais cela n'interdit en rien, la Franc-maçonnerie (initiatique s'entend) d'être le chemin d'une spiritualité partagée, vivante, présente et accessible aux hommes.<br /> C'est aussi simple que cela !<br /> Et cela devient, évident, si l'on accepte d'admettre que la spiritualité est cette dimension humano-divine que l'humanité appréhende "religieusement" depuis la nuit des temps, comme le<br /> mystère de la vie.<br /> <br /> <br /> <br />